Photo : La Presse canadienne (photo) Jacques Boissinot
Les 100 premiers jours du gouvernement Marois seront déterminants.
Avec la fermeture de Gentilly-2, Pauline Marois montre qu’elle ne fera pas tout pour éviter la controverse
Robert Dutrisac
22 septembre 2012
Il n’a fallu à Pauline Marois qu’un seul Conseil des ministres, et
son premier, pour annoncer qu’elle annulait la hausse des droits de
scolarité, qu’elle abrogeait les dispositions de la loi 12 (le projet de
loi 78) qui limitent le droit de manifester, qu’elle abolissait la taxe
santé et surtout que la centrale Gentilly-2 serait fermée à tout
jamais, une décision qui affecte 700 travailleurs d’Hydro-Québec. La
première ministre est apparue volontaire et sûre d’elle. A-t-on vu se
lever la vraie Pauline Marois?
Il avait une part de marketing politique dans les annonces simultanées
de jeudi. On voulait montrer, dès les premières heures du gouvernement
péquiste, que Pauline Marois est une femme de décision, qu’elle n’avait
pas peur de trancher. En ce sens, l’opération est réussie.
Cela contraste avec la Pauline Marois de la campagne électorale qui
s’est montrée, plus souvent qu’à son tour, hésitante, quelquefois
confuse, qui se tournait vers son attachée de presse Marie Barrette pour
lui souffler, implorante : « Marie ? » afin de savoir si elle devait
répondre ou non à la question supplémentaire d’un journaliste. Une
Pauline Marois dépendante des communicateurs qui l’entouraient et
qu’elle écoutait religieusement comme la bonne élève qu’elle a toujours
été.
Dans la peau de la première ministre, Pauline Marois s’est en quelque
sorte transformée : elle sait où elle s’en va et c’est désormais elle
qu’on écoute, note-t-on dans son entourage. Durant la campagne
électorale, une journaliste lui a demandé si elle était prête à
gouverner. «
Les prédécesseurs
Pauline Marois a sans doute appris de Jacques Parizeau, qui n’avait pas
froid aux yeux et qui accordait beaucoup d’importance à la préparation.
Elle a sans doute aussi appris de Lucien Bouchard, qui s’est fait fort
de prendre des décisions difficiles. Alors qu’elle était au plus bas
dans les sondages, un conseiller lui a dit : « Je suis avec vous parce
que vous êtes une femme politique qui n’a pas peur. On peut vous
comparer à un autre politicien : Jean Chrétien. Lui aussi n’avait pas
peur. » Une remarque qui a fait sursauter la chef, mais qui se voulait
un compliment.
De toutes les décisions annoncées jeudi, le déclassement de la centrale
Gentilly-2 est la plus spectaculaire, la plus contestée aussi. Les
syndicats d’Hydro-Québec affiliés au Syndicat canadien de fonction
publique (SCFP-FTQ) n’ont pas tardé à faire une sortie publique pour
dénoncer la décision, alors que le rapport d’Hydro-Québec qui devait
déterminer si la réfection de la centrale était économiquement viable
n’a pas encore été rendu public. Au gouvernement, on explique que la
société d’État est arrivée à la conclusion qu’il fallait fermer
Gentilly-2 ; le gouvernement libéral n’a simplement pas eu le courage
d’annoncer la décision avant les élections. Il n’en demeure pas moins que
Pauline Marois a préféré faire un coup d’éclat au lieu de préparer
l’opinion publique, dans les régions concernées du Centre- du-Québec et
de la Mauricie surtout.
Courtiser la CAQ
Quoi qu’il en soit, Pauline Marois a annoncé des décisions que son
gouvernement minoritaire pouvait prendre sans avoir besoin de l’appui de
l’un ou l’autre des partis de l’opposition. Pour récupérer les revenus
dont se prive l’État en raison l’abolition de la taxe santé, soit 1
milliard de dollars, il faudra, une fois le budget présenté, faire
adopter la loi omnibus qui le met en oeuvre. C’est dans ce projet de loi
que se retrouvera la hausse d’impôt pour les contribuables les plus
riches et les autres mesures fiscales qui permettront de recouvrer le
milliard manquant. Au gouvernement, on croit que la Coalition avenir
Québec appuiera l’abolition de la taxe santé, car elle figure dans la
plateforme électorale du parti de François Legault.
La stratégie du gouvernement Marois, dans sa situation minoritaire,
consiste à courtiser la CAQ, à tabler sur des éléments communs de la
plateforme des deux partis, voire à mettre en oeuvre certaines
propositions des caquistes. « On va les embrasser », nous confie un
stratège péquiste. Le baiser de la mort sans aucun doute, puisque
l’objectif, c’est de vider la CAQ de sa substance, de lui enlever toute
pertinence. Évidemment, à la CAQ, on n’est pas dupe et on tentera de se
distinguer. Mais il est clair que François Legault n’a pas intérêt à
pousser son parti en élections de façon précipitée.
Le véritable adversaire du gouvernement Marois, c’est l’opposition
libérale. Certains libéraux, encouragés par la courte victoire péquiste,
ne voient dans les résultats du 4 septembre qu’un accident de parcours.
Un nouveau chef libéral, élu en février, pourra corriger promptement
cette aberration, croient-ils. Encore faut-il que la CAQ joue le jeu, ce
qui n’est pas évident. Pendant ce temps, le PQ mise sur les révélations
de la commission Charbonneau.
L’automne
Au menu de la session d’automne figure le dépôt d’un projet de loi pour
colmater les brèches de la loi 35 adoptée en décembre 2011 et censée
empêcher les entrepreneurs coupables d’actes criminels graves d’obtenir
des contrats publics. Au sein du gouvernement Marois, on y voit une
autre façon de taper sur le clou de l’intégrité. « Sur cette question,
je serai intraitable », martèle Pauline Marois par les temps qui
courent.
Comme Pauline Marois s’y était engagée, la ministre responsable de la
Charte de la langue française, Diane De Courcy, présentera un projet de
loi pour renforcer la loi 101 avec tous les éléments chers aux péquistes
: abolition des écoles passerelles, exigences linguistiques imposées
aux petites entreprises, accès au cégep anglais réservé aux anglophones.
Pauline Marois a déjà concédé que ce projet de loi ne pourra pas être
adopté dans son intégralité. L’élimination des écoles passerelles fait
partie du programme caquiste et on croit au gouvernement que les
dispositions visant les petites entreprises pourraient faire l’objet
d’un compromis.
On sait aussi que le ministre de la Justice, Bertrand St-Arnaud, a reçu
comme mandat de donner accès à l’aide juridique aux gagne-petit et
d’améliorer l’aide apportée aux victimes d’actes criminels.
Mais la pièce de résistance de l’automne, c’est le Forum sur
l’enseignement supérieur que présidera le ministre de l’Enseignement
supérieur, de la Recherche, de la Science et de la Technologie, Pierre
Duchesne. On compte sur ses talents de communicateur pour arriver à un
consensus et permettre au gouvernement Marois de sortir indemne de
l’exercice.
Les 100 premiers jours du gouvernement minoritaire péquiste seront donc
déterminants. On croit dans le camp péquiste que Pauline Marois, une
femme de décision qui sait manoeuvrer la barque de l’État, gagnera en
popularité du fait qu’elle est à la tête du gouvernement.
On connaît sa ténacité, sa persévérance ; ce sont des qualités qui
s’expriment dans le temps. Or on sait qu’un gouvernement minoritaire vit
sur du temps emprunté.
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