L'Oiseau frileux

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jeudi, août 24, 2017

Une artiste québécoise accuse IKEA et l’UNICEF d’avoir plagié ses peluches

Ameli Pineda
Le Devoir


L’artiste Claude Bouchard accuse IKEA et l’UNICEF d’avoir copié son concept de fabrication de peluches à partir de dessins d’enfants qu’elle a lancé dans les années 1970.
      
Une artiste québécoise qui crée depuis 1970 des peluches à partir de dessins d’enfants accuse IKEA et l’UNICEF d’avoir plagié son concept avec la collection « Sagoskatt » et les poursuit pour 22 millions de dollars.

  Claude Bouchard, une artiste montréalaise, se lance dans une bataille judiciaire contre le géant de l’ameublement suédois IKEA et l’organisation publique internationale UNICEF, qui auraient reproduit et commercialisé son oeuvre sans en avoir le droit.

  Depuis 2003, les magasins IKEA vendent des peluches conçues à partir de dessins d’enfants du monde entier. Les peluches colorées, aux yeux ronds découpés dans du tissu, à la bouche linéaire, proportionnées aux mains des enfants, s’apparenteraient toutefois à celles fabriquées par Mme Bouchard depuis maintenant 47 ans.

  Tandis qu’elle magasinait à la succursale du boulevard Cavendish en janvier 2016, l’artiste aurait découvert « avec stupéfaction » que la chaîne suédoise vendait des peluches comportant « en tout point les mêmes caractéristiques visuelles et matérielles » que ses créations, est-il indiqué dans la poursuite.

  Idée reprise

  Mme Bouchard soupçonne l’UNICEF d’avoir repris en collaboration avec IKEA une idée qu’elle lui avait présentée en 1994.

  À l’époque, les peluches de l’artiste étaient vendues dans la boutique UNICEF de la rue Saint-Denis, à Montréal.

  L’organisme préparait la célébration de son 50e anniversaire, qui devait avoir lieu en 1996, et Mme Bouchard a entrepris des démarches pour intéresser l’UNICEF à commercialiser les poupées conçues à partir de dessins d’enfants à l’international.

  L’artiste souligne dans sa poursuite avoir remis au moins trois modèles de peluches lors de la présentation de son projet, en 1995.

  « Ultimement, le plan d’affaires […] n’a pas été retenu au motif que la demanderesse n’avait pas les ressources financières pour produire des jouets à grande échelle, comme le fait maintenant le groupe IKEA », peut-on lire dans la poursuite.

  Alors que les créations de Mme Bouchard étaient encore vendues dans la boutique UNICEF de Montréal, l’organisme aurait établi un partenariat avec IKEA pour la production et la vente de peluches « à travers le monde » dans le cadre du programme « Des peluches pour l’éducation ».

  « La collection de jouets à partir de dessins d’enfants offerte par le groupe IKEA ne pouvait ostensiblement être créée sans l’aide de l’UNICEF et les connaissances privilégiées qu’elle possédait sur les peluches à partir de dessins d’enfants de la demanderesse grâce aux liens d’affaires étroits qui ont existé entre UNICEF et la demanderesse et dont UNICEF a fait profiter le groupe IKEA », lit-on dans le document déposé à la Cour supérieure cette semaine.

  La collection « Sagoskatt » semble avoir été bien reçue du public. Sur le site Internet de l’UNICEF, l’organisation indique que « la campagne de jouets en peluches » a permis de recueillir environ 116 millions de dollars canadiens.

  « UNICEF connaît intimement les peluches à partir de dessins d’enfants commercialisés par [Mme Bouchard] et sait depuis longtemps qu’elles sont populaires et se vendent très facilement », indique-t-on dans la poursuite.

  Entre 2014 et 2016 seulement, 14,5 millions de peluches ont été vendues. Pour chaque poupée vendue, l’UNICEF aurait reçu 1,44 $.

  « L’UNICEF a donc reçu environ 20 952 000 $ que la demanderesse est en droit de lui réclamer en vertu de la Loi sur le droit d’auteur, à titre de restitution des profits réalisés par l’UNICEF », peut-on lire dans le document.

  Mme Bouchard indique avoir porté plainte chez IKEA en juin 2016. Six mois plus tard, l’entreprise aurait rejeté sa plainte par courriel. Elle lui réclame 865 000 $.

  Elle demande également une somme de 200 000 $ aux deux partenaires du programme, soit IKEA et l’UNICEF.

  Mercredi, aucun porte-parole d’IKEA Canada n’était disponible pour commenter le dossier.

  L’UNICEF a quant à lui indiqué ne pas être au courant de la poursuite et a refusé de commenter le dossier.

  La poursuite sera entendue par un juge dans les prochaines semaines.

  Inspirée par son fils

  C’est à la veille de Noël en 1970 que Mme Bouchard aurait eu l’idée de fabriquer un jouet en tissu tiré d’un dessin de son fils Nicolas, peut-on lire dans la requête.

  « Jouet qu’elle a fabriqué elle-même, car artiste et professeure, elle connaît et donne forme aux tissus », est-il indiqué.

  Elle souligne qu’on « était à une époque où on jetait les dessins d’enfants à la poubelle, car, et c’était la pensée dominante, un dessin d’enfant n’était qu’un dessin d’adulte maladroit », explique-t-elle.

  À l’encontre de cette pensée, Mme Bouchard dit avoir voulu « rendre les dessins d’enfants en trois dimensions dans des formes de jeunes enfants ».

  Lorsque quelques années plus tard son fils est entré à la maternelle et a revu la poupée et qu’il a immédiatement reconnu son dessin, l’artiste a eu l’idée de produire des peluches à partir des dessins d’enfants qui y seraient parfaitement adaptés.

  Le Devoir a tenté de joindre Mme Bouchard mercredi, mais l’artiste n’a pas rappelé le journal.

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