Trente-cinq victimes sortent du silence et entraînent une vague de dénonciations
présente 35 victimes, et une chaise vide. |
La plus récente une du New York Magazine a déclenché un
raz-de-marée à peine quelques heures après sa publication lundi. La
percutante prise de parole des présumées victimes de l’acteur américain
Bill Cosby fait écho au mouvement #AgressionNonDénoncée qui avait
enflammé les réseaux sociaux à l’automne dernier, ramenant, une fois de
plus, sous les projecteurs le débat autour du consentement et de la
dénonciation des agressions sexuelles.
Le frontispice présente 35 femmes, toutes de noir vêtues, alignées
sur d’étroites chaises de bois. Plus une chaise, vide. Ces femmes, ce
sont quelques-unes des victimes présumées de l’acteur et humoriste
américain Bill Cosby, contre qui des accusations pèsent depuis des mois.
Dans son dernier numéro, le magazine, avec les mots de la journaliste
Noreen Malone et les images de la photographe Amanda Demme, a décidé de
donner la parole à ces femmes que l’ancienne vedette de la télévision
aurait droguées, puis violées tout au long de sa carrière.
« Cette déclaration publique est majeure et aura, sans aucun doute, un effet d’entraînement, souligne la sexologue et auteure Jocelyne Robert en entrevue avec Le Devoir. C’est comme si, d’un coup, trente-cinq femmes avaient dit à toutes les autres victimes : “Vous n’êtes pas seules.” »
Selon la spécialiste, c’est à ce « pouvoir de solidarité », longtemps inexistant — « car, en cas d’agression, on est toujours seule au monde » —, que le reportage vient contribuer. « Ce
n’est pas grand-chose, mais c’est quand même formidable de voir que les
femmes considèrent maintenant qu’elles ont le droit de dénoncer, même
si ça fait un an, dix ans ou vingt ans ! »
Dans le cas des agressions rapportées par le New York Magazine, les plus anciennes dateraient des années 1960, alors que les plus récentes seraient survenues à l’aube du nouveau millénaire.
Le mot-clic #TheEmptyChair (la chaise vide) a fait boule de neige sur
les réseaux sociaux lundi. De part et d’autre, des centaines de
victimes ont ajouté leur histoire à la longue liste publiée par le
périodique.
« En 2015, nous avons les réseaux sociaux. On ne peut pas disparaître. C’est en ligne et ça ne s’en ira jamais », confie l’avocate retraitée Tamara Green, qui aurait été violée par l’acteur il y a une trentaine d’années.
Seule contre un monument
À la difficulté de dénoncer une agression s’ajoute une autre couche
de complexité lorsque le présumé agresseur est une personnalité
publique, comme on a pu le voir dans le cas de l’affaire Jian Ghomeshi
en novembre dernier.
« Dans le cas de Cosby, les femmes qui ont subi
une agression — et je n’ai même pas besoin de lire leur témoignage pour
le dire —, c’est sûr qu’elles se sont fait dire que personne n’allait
les croire », lance Mme Robert.
En effet, bon nombre des victimes présumées ont d’ailleurs souligné,
dans leur témoignage, qu’elles ont longtemps gardé le silence parce
qu’elles avaient peur de ne pas être crues. « J’aurais
pu marcher dans n’importe quelle rue de Manhattan, et dire, n’importe
où, “J’ai été violée et droguée par Bill Cosby”. Mais qui m’aurait crue ? Absolument personne », raconte au magazine Barbara Bowman, 48 ans, qui avait croisé le chemin de l’acteur dans les années 1980.
« Quand l’agresseur est une personnalité publique, il y a un double effet, ajoute la sexologue. D’abord,
c’est négatif parce qu’on est seule face à une vedette qui est vénérée,
respectée de tous. Puis, et surtout lorsqu’il y a plusieurs victimes,
ça vient renforcer le sentiment de solidarité. »
Cela ne veut cependant pas dire que les femmes sont spontanément
crues, ni que les victimes dénoncent plus rapidement, insiste la
sexologue. « La différence, c’est que la force du nombre crée un endroit pour le faire. »
Multiplication des accusations
Elles sont 35 à avoir accepté de participer au reportage du New York Magazine,
mais elles seraient au moins 46 à avoir porté des accusations contre le
célèbre comédien. De nombreux témoignages récoltés suggèrent d’ailleurs
qu’elles sont encore plus nombreuses.
« C’est un peu ce que cette chaise vide vient dire, souligne Jocelyne Robert. C’est l’effet d’entraînement qui est illustré, car ça sous-entend qu’il y en a tellement d’autres qui gardent le silence. »
Déjà en 2005, une dizaine d’entre elles avaient joint leur voix à
celle d’Andrea Constand, ex-directrice du club de basketball de Temple
University. Des années après avoir été droguée, puis violée par l’acteur
qui siégeait alors au conseil d’établissement de l’institution,
Mme Constand a décidé de porter des accusations. Bien que ces dernières
aient alors trouvé écho chez d’autres présumées victimes, elles ont
finalement été abandonnées, la situation ayant trouvé un dénouement hors
cour.
À l’époque, l’acteur avait tout de même admis, lors d’une déposition
sous serment, avoir eu des relations sexuelles, alors que ses
partenaires étaient sous l’effet du Quaalude, un puissant sédatif qui
peut aller jusqu’à paralyser partiellement ceux qui en consomment. Les
avocats de M. Cosby ont longtemps cherché à bloquer la diffusion de
cette information qui a été rendue publique le 6 juillet dernier.
Aujourd’hui âgé de 78 ans, Bill Cosby refuse toujours d’admettre sa responsabilité dans quelque cas que ce soit.
Avec l’Agence France-Presse et Le Monde
Le Devoir
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