L'Oiseau frileux

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mercredi, mars 16, 2011

FUKUSHIMA (suite9) PRIÈRE IMPÉRIALE

Mercredi 16 mars. 11H. Dans notre bonne vieille France sécularisée, la « prière impériale » qui vient d’arriver du Japon, à l’occasion de la terrifiante catastrophe en train de bouleverser le pays, a forcément quelque chose d’incongru.

Certains ne manqueront pas d’en faire des gorges chaudes et cela donnera certainement lieu à des caricatures très réussies, qui nous feront sourire et détendront l’atmosphère, malheureusement saturée en ce moment à Fukushima, dans la centrale de Daiichi, de radioactivité mortelle.

Mais à cette heure-ci, la parole de l’empereur Akihito a un autre sens – plusieurs autres sens, pourrait-on dire. D’abord, elle « avère » la catastrophe. Ce que la plus haute autorité – d’essence divine pensait-on jadis – signifie ici en se disant "extrêmement préoccupée" – première intervention de crise qu’il ait jamais faite depuis qu’il est monté sur le trône en 1989 –, c’est que, oui, il a pris la dimension gigantesque de la crise affectant le pays. Et ce, au nom de tous les Japonais.

Là, son message prend au moins deux autres directions. L’une vers son propre peuple – qui souffre de multiples manières. Il y a les combattants dans la centrale – certains, vu les doses relarguées à certains points chauds, sont déjà des sacrifiés. Et demain, deviendront des héros. Il y a ceux qui grelottent sous des couvertures, car la neige tombe par endroits dans le nord du pays. Ils peuvent avoir tout perdu, famille, maison… Et il y a tous ceux qui ne savent pas à quel niveau de radiations ils sont soumis… A 20 km de la centrale, à 30 km et plus loin, dans Tokyo même…

La prière de l’empereur se mue alors, pour certains, en réconfort spirituel ou moral. On a déjà entendu ces dernières heures le maire de Tokyo parler de « punition divine », ce qui a fait bondir de colère nombre de Japonais.

Preuve une nouvelle fois apportée que ne manque pas de se développer, au moment d’une crise aigüe, une exploitation « mentale » de la catastrophe. Le moins que puisse faire un empereur, considéré il n’y a pas si longtemps encore comme une divinité sur terre, c’est de faire savoir sa compassion.

Hors du pays, sa parole se transforme en signe visible de la grande détresse, même si elle demeure formulée en termes mesurés, quasi-diplomatiques. Même chez nous, cette allocution fera, tel le séisme, sentir sa réplique. Comme si c’était le cœur même du pays qui se dévoilait et montrait ses plaies.

Les images de la catastrophe, maisons broyées par la vague, victimes sur des brancards, enfants sur lesquels on détecte la radioactivité… frappent par leur énormité, glacent par leur caractère terrifiant.

Là, c’est une voix qui dit la plainte. A l’heure où de multiples spectateurs se sont précipités au cinéma voir et écouter Le discours d’un roi, ils comprendront que la prière impériale déclare la guerre à la dépression.

Merci Dominique Leglu

Ce que vous dites bien les choses de ce monde ...

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