L'Oiseau frileux

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vendredi, janvier 08, 2016

La haute couture se lance dans le voile : « Faut prendre l’argent là où elle est ! »


Il faut se plier aux exigences de la clientèle. Quelles qu’elles soient. En vieux français des années quarante, ça s’appelait la collaboration.
« Faut prendre l’argent là où elle est ! » disait autrefois Georges Marchais avec cette gouaille chère aux cocos des Trente Glorieuses qui s’entraînaient le soir à enchaîner les fautes de français. Ils croyaient ainsi faire « peuple » à une époque où le peuple parlait généralement un français châtié…
Bref, faut prendre l’argent là où elle est, et elle est toujours chez les rois du pétrole. Exactement chez les monarchies pétrolières, là où les barbus et les femmes voilées sont passés directement du dos de chameau (il y étaient encore dans les années en question) à la Porsche, et de la tente des bédouins aux gratte-ciel et aux pistes de ski dans le désert. Sans oublier les îles artificielles et les fermes normandes qui le sont tout autant, où les vaches paissent l’herbe sous des brumisateurs réfrigérants.
Chez nous, en revanche, dans la vieille Europe, on court après le client. Comme disait le slogan, on n’a pas de pétrole mais on a des idées, certes de moins en moins, mais des idées quand même. Dans le domaine de la couture, par exemple, où notre étoile clignote encore au firmament de la mode. Seulement voilà, le monde ne se précipite plus comme autrefois aux défilés de Paris et Milan, et si tu ne viens pas à Lagardère, Lagardère ira-t-à toi, c’est connu ! Nous allons donc faire allégeance aux barbus décapiteurs, mais décapiteurs riches.
On découvre ainsi que la célèbre maison Dolce & Gabbana vient de présenter sa première collection de hijabs et d’abayas, autrement dit les foulards et les longues robes que portent les musulmanes. De quoi se « bâcher » très chic, enchiffonnée de soie de la tête aux pieds. Comme Stefano et Domenico – je les appelle par leurs petits noms – l’ont confié à L’Express : « Les musulmans représentent 22 % de la population [mondiale] et leurs exigences vestimentaires sont trop souvent délaissées par les grandes maisons de couture et de prêt-à-porter européennes. » Ben oui, dit comme ça… Sauf que je me souviens d’un temps pas si lointain (la décennie 80) où les monarques du Golfe débarquaient à Paris au temps des défilés de couture et faisaient le bonheur des Dior, Chanel et autres Saint-Laurent qui les habillaient… à la française !
Force est donc de constater qu’en trente et quelques années, le monde a basculé. Si les clientes de nos maisons de couture sont demeurées les mêmes, nos collections, elles, ont changé : c’est la mode arabe qui s’installe ! Et les manières avec. On a pu voir il y a quelques semaines un reportage sur le grand magasin du Printemps, à Paris. Un temple du luxe où se bousculent les nouveaux riches de la planète. On y suivait un stage où les employées haut de gamme apprenaient les codes de la clientèle arabe : toujours s’adresser à monsieur, le faire asseoir, lui offrir à boire, ne parler qu’à lui, ne regarder que lui… lui présenter les modèles, les bijoux… bref, ignorer madame.
Comme disent nos amis Domenico et Stefano, c’est « un constat sans appel » : il faut se plier aux exigences de la clientèle. Quelles qu’elles soient.
En vieux français des années quarante, ça s’appelait la collaboration.

Marie Delarue, 
Boulevard Voltaire

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