L'Oiseau frileux

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mardi, octobre 14, 2014

Éducation: Un «ironman» au coeur tendre

Photo: François MelletTriathlète de haut niveau, Martin Malo est aussi directeur adjoint de l’école Barclay, à Montréal.
Lisa-Marie Gervais
Le Devoir 
14 octobre 2014

Qui n’a pas croisé dans son parcours scolaire un adulte qui s’est imposé comme modèle ? Une enseignante, une secrétaire, un éducateur ou un directeur aux qualités exceptionnelles et aux exploits hors du commun? Le Devoir s’engage à publier régulièrement des portraits de ces personnes remarquables. Nous amorçons la série avec Martin Malo, directeur adjoint de l’école Barclay, à Montréal, et triathlète de calibre mondial.   

Rencontrer un directeur adjoint dans le parc Jarry plutôt qu’entre les quatre murs de son école a quelque chose d’inusité. Pas pour Martin Malo pour qui ce beau coin de nature est comme un second chez soi, après l’école Barclay où il travaille. Ce triathlète de 42 ans passe en effet de nombreuses heures à avaler du bitume à vélo, à fouler le sol des parcs, à remuer l’eau des piscines et des lacs. « C’est sûr que je consacre beaucoup de mes temps libres à l’entraînement », admet-il.  

Martin Malo fait partie de ces « hommes de fer », ces rares triathlètes qui participent à des compétitions d’Ironman, la plus difficile course multidisciplinaire du genre, qui consiste à enchaîner 3,8 km de natation, 180,2 km de vélo et un marathon (42,2 km). Mais un « homme de fer » au coeur tendre, souligne la directrice de l’école Barclay, Hélène Éthier. « Il est tout simple, c’est un homme sensible au grand coeur », confie-t-elle. Doublé d’une force de fer, bien sûr, mais aussi d’une grande humilité. « Il a fait une présentation de son sport aux enfants, mais n’a même pas apporté ses médailles. Il ne voulait pas mettre l’accent là-dessus. »

À l’écouter parler avec autant d’emballement de son métier, Martin Malo se distingue surtout pour sa profonde passion du milieu de l’éducation. « J’ai commencé par enseigner 13 ans à l’école Marie-Favery dans Villeray. J’ai vraiment adoré. Je vivais ma paternité à travers mes élèves. Je pleurais parce que je les aimais trop. Leurs histoires m’ont toujours beaucoup touché. C’est un luxe que d’être payé pour faire ça », dit-il dans un sourire.

De défi en défi, il s’est retrouvé à occuper le poste de conseiller pédagogique dans des écoles du quartier Hochelaga-Maisonneuve, où il se rendait à vélo. C’est là, alors âgé de 34 ans, qu’il a commencé à s’entraîner comme triathlète. « Je trouvais que les étés étaient trop longs sans les élèves. Je n’étais pas en dépression, mais je me sentais inutile », raconte-t-il.

Un triathlète d’exception

Amant de plein air et de pêche, il avait toujours été assez actif — vélo, natation et water-polo —, mais sans grand sérieux. Un ami l’a encouragé à se joindre à l’équipe de triathlon et il a fait sa première compétition en 2006. « Je me suis acheté un vélo de course, mais vraiment bas de gamme. Le matin même de la compétition, je ne savais même pas comment changer les vitesses », dit-il. Il a néanmoins fini dans une position honorable avec un minimum d’entraînement. « J’ai eu la piqûre. » En 2010, il se qualifiait pour les Championnats du monde olympiques à Pékin. Six ans plus tard, il était sacré « athlète masculin de l’année, distance olympique 40-49 ans par Triathlon Canada », parmi de nombreuses autres distinctions.

On ne se surprend guère que, parallèlement à ses exploits sportifs, il ait créé avec une petite équipe de collègue le triathlon scolaire Hochelaga. « Le midi, j’aidais les enfants qui n’avaient jamais pédalé à embarquer sur leur vélo. Le personnel s’est aussi mis à participer », raconte le triathlète, enthousiaste. Certains ont même continué l’entraînement. Aujourd’hui, l’événement est devenu le plus gros duathlon de la commission scolaire de Montréal et a lieu tous les ans au Stade olympique, hormis cette année pour cause d’austérité. « J’admire beaucoup ce qu’a fait Pierre Lavoie. Je me suis dit si je pouvais faire ne serait-ce qu’une fraction de ça, pour redonner à mon tour… »

Ses élèves, source de motivation

Martin Malo dit tirer sa motivation de ses élèves et a été particulièrement marqué par son passage dans l’équipe de direction de Victor-Doré, une sorte d’« école-hôpital » qui accueille les enfants lourdement handicapés. « Moi, j’étais dans le sport, la performance, les médailles et les victoires. Mais ça prenait un autre sens lorsque je me suis retrouvé devant ces enfants-là et leurs familles. J’étais ému. Elles font face à tellement de difficulté et doivent se battre. Parfois même pour la survie de leurs enfants », souffle-t-il. Petit coup d’éperon qui l’a motivé, avec quelques-uns de ses anciens collègues, à participer aux 48 heures de vélo pour amasser des fonds afin de financer les rêves des enfants malades. « Je me suis dit “ tu as ton corps, tu es en forme, ne gaspille pas ça et pousse la machine”.»

À l’école Barclay, où il est depuis deux ans, il se dit toujours aussi inspiré par les élèves.« Je n’avais jamais travaillé dans un milieu aussi multiethnique. Dès les premiers jours. Ça a été : wow ! », relate-t-il. « Je vois des choses inspirantes dans ce quartier-là. Le désir d’apprendre des enfants, la confiance des parents. Ils ont beau être complètement étrangers à notre façon de fonctionner, ils s’y conforment en tout respect. »

Il se fait un devoir de repérer le meilleur dans chacun des élèves et de leur ouvrir le plus de portes possible. « On est responsables de leur éducation et de leur offrir le milieu le plus stimulant possible malgré les difficultés. Il faut maintenir les attentes élevées », dit-il. « Est-ce que dans mon école, il y a un pianiste qui deviendra le futur numéro 1 mondial ? Un futur coureur d’élite ? Notre jeunesse a des possibilités infinies de réussite, pour peu qu’on lui donne la chance. »

Mythique Hawaï

C’est peut-être un peu pour ça que le triathlète d’exception n’a jamais abandonné et qu’il a réalisé son rêve, samedi dernier, en faisant l’Ironman de Kailua-Kona, à Hawaï. Un temps dont il est particulièrement fier, s’étant foulé la cheville quelques jours avant la compétition. « La phrase “Je sais que je peux” répétée aux élèves de Barclay avant mon départ a résonné dans ma tête tout au long de la course à pied », a-t-il confié sur sa page Facebook.

Ce parcours dans ce paradis du Pacifique était mythique pour lui. « Quand j’ai commencé à m’entraîner, j’avais dit innocemment, à celui qui allait être mon coach, que je voulais me rendre à Hawaï. Il m’a dit oui, mais en me proposant de faire une étape à la fois. Lentement, mais sûrement… »

Néanmoins, depuis quelque temps, Martin Malo songe à ralentir le rythme. « J’arrive à un cul-de-sac. J’ai moins de motivation et certainement moins de temps à consacrer à l’entraînement étant donné mes fonctions de directeur adjoint. J’ai le goût d’investir autrement mon temps qu’à rouler autour d’un parcours », explique-t-il. Il a d’ailleurs annoncé qu’il prendrait une année sabbatique du triathlon. « Je suis arrivé à un stade où j’ai atteint des objectifs que je ne croyais jamais pouvoir atteindre. Je suis choyé par la vie. Le temps est venu de donner mon énergie aux élèves et aux familles. »

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Quel triathlète d'exception! 

Bien dans son corps.  
Bien dans sa tête.  
Bien dans son coeur. 

En effet, tout un modèle! 

M. 

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