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Photo : Jacques Nadeau - Le Devoir
L’obtention
de ce prix touche Djemila Benhabib d’autant plus qu’il prouve à quel
point le débat sur les accommodements religieux n’est pas propre au
Québec.
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L’auteure, militante et candidate péquiste défaite Djemila Benhabib voit
son combat pour la sécularité de l’État récompensé : elle recevra lundi
à la mairie de Paris, devant un parterre anticipé de 500 personnes, le
Prix international de la laïcité.
Ce prix en est à sa septième édition depuis 2003. Il récompense une
personnalité française et une autre de l’extérieur de l’Hexagone qui
défendent et promeuvent la liberté de conscience et l’égalité des
citoyens sans égard à leurs engagements philosophiques ou religieux. Le
jury cette année, composé d’une cinquantaine de personnes, était présidé
par Charb, le directeur de Charlie Hebdo, cette publication qui a
récidivé cette année à publier des caricatures du prophète Mahomet dans
la foulée des manifestations automnales anti-Occident.
« Je suis très heureuse et très émue aussi de recevoir ce prix de par
le fait que c’est un prix important en France donné par un jury
prestigieux, et beaucoup de gens que j’admire l’ont déjà eu », explique
Mme Benhabib en entrevue avec Le Devoir. « Par exemple, Nadia El Fani,
qui a réalisé le film Laïcité Inch’Allah, qui a été condamnée à mort
parce qu’elle a fait ce film. »
Au nombre des précédents lauréats, on compte aussi le président italien
Giorgio Napolitano (qui s’était opposé au Vatican et au gouvernement de
Silvio Berlusconi afin de permettre le débranchement d’une femme se
trouvant dans un coma végétatif depuis 17 ans) ou encore Naser Khader,
un politicien danois qui a fondé le Mouvement des musulmans modérés et
qui a milité pour l’interdiction complète de la burqa dans son pays.
« Ce qui vient me chercher, c’est que c’est une famille d’idées qui
croit que le lien social doit être bâti d’abord et avant tout sur la
citoyenneté, et qui croit à l’idéal universel, c’est-à-dire que quel que
soit l’endroit où on vit, les aspirations des personnes sont les mêmes,
soient celles de la justice fondamentale et de l’égalité. Et la
laïcité, c’est de rendre possibles cette égalité et cette justice »,
explique Mme Benhabib.
Mme Benhabib a su en juin qu’elle allait recevoir ce prix, soit avant
qu’elle annonce sa candidature à l’élection dans Trois-Rivières pour le
Parti québécois. Elle a finalement perdu cette élection par 1001 voix.
Mme Benhabib poursuit sans relâche son combat pour que le Québec se
déclare un jour un État complètement laïque. « Je suis extrêmement gênée
quand on parle de liberté religieuse. Je préfère le concept de liberté
de conscience parce qu’il est beaucoup plus inclusif et il traduit la
diversité d’options qui existent et les légitime. Ceux qui n’ont pas
d’option religieuse existent aussi », dit-elle.
Pour elle, les accommodements religieux sont dangereux, car ils ont
tendance à avaliser les interprétations les plus intégristes d’une
religion parce que ce sont ceux qui ont la lecture la plus rigide de
leur culte qui ont tendance à exiger des accommodements. « Quand on
demande à l’État d’arbitrer la religion, il est forcé de valider des
interprétations intégristes des religions. Donc c’est un piège de se
poser en arbitre. On légitime des interprétations intégristes, et c’est
là que la dérive commence parce que la prime est donnée aux intégristes,
pas aux modérés. […] On demande à l’État de plier, de mettre le genou
par terre pour accommoder des conceptions, disons-le franchement, qui
sont à des années-lumière de ce qu’on est devenu et de ce qu’on incarne,
ne serait-ce que par rapport à l’égalité des hommes et des femmes. On
est dans une contradiction importante. » Selon elle, c’est au dogme de
faire preuve de flexibilité, pas à l’État.
Sans relâche, Djemila Benhabib revient sur le port du voile islamique
et ce qu’il peut représenter d’oppression pour les jeunes filles. Le
permettre à l’école, dit-elle, c’est de donner l’option à papa,
mononcle, frérot d’imposer son port à la fille, nièce ou soeur. « La
liberté de conscience, c’est le fait de pouvoir épouser une conviction,
mais c’est aussi d’avoir la possibilité de s’en défaire. […] L’État et
l’école n’ont pas à être la continuité du fonctionnement familial.
L’école doit émanciper les élèves, les préparer à la citoyenneté et à la
liberté. On ne peut pas en même temps valider une option religieuse et
en même temps faire la promotion de l’égalité. Il y a une limite à être
schizophrène. »
Elle cite les cas extrêmes des filles Shafia ou encore d’Aqsa Parvez,
des jeunes femmes tuées par leur famille parce qu’elles refusaient
notamment de porter le voile. « Ce sont des femmes qui voulaient vivre
librement et elles se sont heurtées à des parents qui ne le souhaitaient
pas. Nous, en tant que société, qui doit-on encourager ? C’est la
question éthique à laquelle on doit répondre. Moi, j’ai choisi mon camp
sans état d’âme. »
N’y a-t-il pas un risque d’isoler encore davantage ces communautés en
interdisant le voile à l’école, par exemple qu’elles se replient sur des
écoles confessionnelles privées ? L’essayiste ne le croit pas. La
France, rappelle-t-elle, a interdit le port de symboles religieux
ostentatoires dans les écoles publiques en 2004 et pourtant, très peu de
jeunes ont quitté l’école publique. « Il y a plus d’écoles privées
religieuses au Royaume-Uni qu’en France », dit-elle, malgré le fait
qu’il y a presque trois fois plus de musulmans en France que chez son
voisin outre-Manche.
L’obtention de ce prix touche Djemila Benhabib d’autant plus qu’il
prouve à quel point le débat sur les accommodements religieux n’est pas
propre au Québec. « Ça nous dit que ce qui se passe au Québec intéresse
les autres, dit-elle, et que le débat au Québec est important dans le
monde. Peut-être qu’il y a quelque chose de singulier, d’intelligent, de
créatif qui est en train d’éclore ici. L’expérience québécoise que
j’incarne, je vais la faire connaître à l’étranger. » C’est le rôle
qu’elle se donne avec son prix en poche.
Source: Le Devoir
Source: Le Devoir
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Félicitations, madame Benhabib! Et bravo pour votre combat pour la laïcité. Vous êtes la meilleure ambassadrice à ce sujet que le Québec puisse avoir. Merci de nous faire honneur.
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