L'Oiseau frileux

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vendredi, juin 10, 2011

Les «femmes de réconfort» coréennes réclament justice au Japon








En Corée du Sud, des grands-mères se battent depuis des années pour obtenir des excuses du Japon Elles ont été les esclaves sexuelles de l’armée nippone pendant la Seconde Guerre mondiale.


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Dites-nous pardon!» Tous les mercredis, quand sonne midi, elles manifestent devant l’ambassade japonaise à Séoul. Les Sud-Coréens les appellent halmonis. Les grands-mères ont servi d’esclaves sexuelles à l’armée impériale nipponne pendant la Seconde Guerre mondiale.

Ces «femmes de réconfort», comme les avaient sur­­nommées les Japonais, étaient capturées un peu partout dans l’Asie conquise. Beaucoup venaient de Co­rée, alors une colonie de l’empire du Soleil levant. Au total, elles étaient 200 000, âgées de 12 à 19 ans, et devaient parfois «servir» 50 soldats par jour dans des «centres de délassement». À la fin du plus sanglant conflit de l’histoire de l’humanité, nombre d’entre elles se suicidèrent pour cacher leur honteux passé. Celles qui s’accrochèrent à la vie le firent seules, sans mari, ni famille.

Ce n’est qu’il y a une vingtaine d’années, quand la Corée du Sud s’est démocratisée, que certaines décidèrent de raconter leur calvaire en manifestant devant l’ambassade japonaise – grand cube de briques rouges en forme de bunker, à quelques encablures de Gyeonbok, l’ex-palais impérial coréen rasé pendant la guerre et reconstruit aussitôt après. C’était le mercredi 8 janvier 1992.

Neuf cent soixante-neuf manifestations plus tard, Kim Bok-dong, 86 ans, et Gil Won-ok, 84 ans, étaient au rendez-vous hebdomadaire, en ce mercredi pluvieux du 11 mai. Entourées d’une trentaine de sympathisants, la moitié japonais, elles restèrent assises sur leur chaise pendant une heure, sans dire un mot, levant à peine un bras quand la petite foule réclamait justice devant la vingtaine de policiers ceinturant l’ambassa­de. «Sajae joni hara!» «Dites-nous pardon!»

Soixante-treize au total

Le 14 décembre prochain, le haut-parleur crachera ces mêmes mots pour la millième fois. Un mémorial en l’honneur des halmonis devrait alors être inauguré non loin de là. Elles ne seraient plus que 73 en Corée du Sud. Cinq sont mortes l’an dernier.

«Le gouvernement japonais semble attendre que nous mourions toutes», répètent tristement Kim et Gil. Leur histoire, elles n’en peuvent plus de la raconter. Elles le savent très bien : Tokyo ne répondra jamais à leurs demandes, au-delà des simples excuses faites du bout des lèvres il y a 18 ans.

Lee Ji-yoon, du Korea Herald, un des deux quotidiens anglais de Séoul, a longtemps couvert leurs manifestations. «Je crois que le gouvernement japonais ne fera pas d’excuses of­ficielles, ni maintenant ni peut-être jamais. S’il le fait, il y aura davantage de demandes d’indemnisation d’autres victimes de guerre. Les conservateurs qui ont dominé le paysage politique pendant des décennies ont justifié ces atrocités afin de renforcer le nationalisme latent dans leur pays.»

Peu importe, il y a un devoir de mémoire. Kim Bok-dong, qui porte encore la cicatrice d’un coup de sabre sur le crâne laissée par un de ses bourreaux, est une des plus fidèles à la manifestation du mercredi, où elle répète sans se fatiguer : «Quand nous serons toutes parties, notre mémoire et notre tragédie ne doivent pas être oubliées.» Elle pense notamment à Kim Hak-soon, morte en 1997. Elle fut la première à raconter comment les Japonais se servirent d’elle comme d’une «toilette publique».

Chanson
À chaque manifestation, une chanson est entonnée. Bawichurum. Comme un roc. Elles le sont. Du moins à l’extérieur. Il ne faut surtout pas tomber dans le misérabilis­me médiatique. Assises sur leur chaise, elles se laissent sagement photographier et donnent la parole aux autres.

Ce jour-là, Atsuko Aki­yama, 73 ans, est venue de Tokyo pour rappeler ceci : «Notre pays doit reconnaître ses crimes passés. Depuis le début de l’histoire humaine, il y a des crimes, des erreurs. Il faut savoir les reconnaître.» Mais, comment? Les Japonais, dans leur ensemble, ont du mal à faire le point sur leur passé impérial. Les «femmes de réconfort», étaient tout simplement des prostituées, pas de pauvres jeunes filles capturées pour le bon plaisir des soldats de l’empereur afin de leur remonter le moral.

Kim Bok-dong et Gil Won-ok sont devenues activistes à cause de cette version. Elles n’ont cependant pas l’esprit revanchard. Au lendemain du tsunami meurtrier  et de la catastrophe nucléaire de mars, elles ont prié pour les victimes et ont réussi à recueillir 35 000 dollars. «Nous ne pouvions pas rester les bras croisés!»

Ni l’une ni l’autre n’a eu d’enfants, mais Won-ok a adopté un fils et s’est lancée dans la calligraphie. Des deux, c’est la plus militante. Dès que le mini-bus les dépose devant l’ambassade, elle est la première à descendre, à serrer des mains, à parler avant de s’asseoir pendant une heure devant le «bunker» de quatre étages.

Chaque fois que leur santé le leur permet, elles se déplacent devant l’ambassade. Elles ne vivent pas dans un woorijip, où leurs autres «sœurs» pansent encore leurs plaies morales. Le refuge est à deux heures de route de Séoul. Trop loin pour venir manifester le mercredi.

«Dites-nous pardon!» Le Japon a beau faire la sourde oreille, les voix de Kim Bok-dong et Gil Won-ok ne seront jamais réduites au silence, même après la disparition des halmonis.

Maniko, le meilleur ami de Song


Song Shin Do, 88 ans, est l’une des rescapées du tsunami qui a frappé le nord du Japon. C’est aussi une «femme de réconfort» coréenne. Maniko, son chien et seul ami, lui a sauvé la vie en la sortant de l’eau, rapportait le Japan Times dans son édition du 22 mars dernier.

Avant de s’installer au Japon, où vivent 600 000 Coréens, qui ont toujours le statut d’étrangers, Song a été kidnappée à 16 ans par un «courtier» au service des troupes japonaises en Chine. Elle a fini dans un bordel. C’était en 1938. Elle n’a jamais oublié et milite sur sa terre d’adoption pour que Tokyo reconnaisse ses crimes.

Des excuses


Naoto Kan, le premier ministre japonais, a présenté des excuses en août dernier aux Coréens pour les souffrances infligées pendant la colonisation de leur pays (1910-45). S’il a exprimé ses «profonds remords» et «excuses sincères», il n’a pas fait allusion aux «femmes de réconfort». Elles attendent toujours…

Source Métro Montréal

Merci Nathalie

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