L'Oiseau frileux

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jeudi, octobre 30, 2014

Mommy, ou la disparition du père en Occident




Critique de cinéma

Après avoir haï sa maman au point de la faire passer pour morte dans J’ai tué ma mère, Xavier Dolan renouvelle la thématique des relations mère-fils avec Mommy. Le film, largement surcoté depuis sa mise en compétition à Cannes – par complaisance LGBT à l’égard du réalisateur, mais aussi par pur jeunisme béat –, prend alors le contrepied de J’ai tué ma mère afin de célébrer, cette fois-ci, l’amour filial.
Xavier Dolan retrouve pour l’occasion Anne Dorval et Suzanne Clément, ainsi que le jeune Antoine-Olivier Pilon qu’il avait auparavant dirigé dans le fameux clip College Boy d’Indochine. Clip dans lequel on apprenait avec effroi la persécution quotidienne des homosexuels en ce début de XXIe siècle par des hordes de catholiques « intégristes » (lefebvristes ?), dont la fureur et l’obscurantisme n’ont d’égal que la blondeur des cheveux… Un film déjà plein de courage et d’honnêteté intellectuelle qui ne craignait pas de nommer les choses…
Mommy est intéressant en cela qu’il illustre magnifiquement en 2 h 20 la disparition du père dans nos sociétés occidentales modernes ; figure qui traditionnellement s’interposait entre la mère et l’adolescent afin de couper le cordon et pousser sa progéniture à l’ouverture sur le monde.
Xavier Dolan avait alors l’occasion de pousser la réflexion, mais choisit au contraire de se satisfaire du constat.
Ainsi, au fil du récit, tout ce qui s’interpose entre le fils et la mère, s’il n’est pas féminin et maternel, se révèle négatif et fascisant, à l’image de cette nouvelle loi S-14 – tout droit sortie de l’imagination de Dolan – et de son institution disciplinaire, que le réalisateur semble avoir inventées de manière totalement gratuite pour mieux se complaire dans la souffrance de ses personnages…
Comprendre par là qu’il n’y a pas d’autorité, mais que s’il y en avait une, pour sûr, elle serait sacrément dégueulasse !
Tout cela, finalement, pour justifier la fusion symboliquement incestueuse entre le fils et la mère, l’étouffement mutuellement consenti, ainsi que le repli sur soi du jeune homme.
Le message est relativement malsain, mais en parfaite conformité avec son temps…
C’est pourquoi, sans doute, on a beaucoup dit de Xavier Dolan qu’il était un génie.
À croire qu’un « adulescent » androgyne et en peine de soi – certes très sympathique humainement ! – pouvait mieux que personne, selon les critères bien compris de l’époque contemporaine, incarner le génie. C’est confondant…
Dès lors se pose une question. Xavier Dolan – qui jusque-là ne s’est attaché qu’à « filmer l’individu » – aura-t-il un jour la capacité de s’ouvrir au monde, lui dont la sociologie et le parcours privilégié l’ont préservé du réel ?
Ou bien est-il condamné à filmer des relations toujours plus étouffantes, quitte à remodeler sans cesse le monde environnant, à lui inventer des institutions et des « lois S-14 » comme le ferait un collégien pour sa rédaction de français ?
Toujours est-il qu’en dépit des idées véhiculées (que Dolan n’a probablement pas intellectualisées…), le film se révèle émouvant dans son ensemble – on pense bien sûr au « passage Céline Dion » ou aux scènes entre le fils et la voisine –, bien que l’on puisse déplorer par moments quelques effets de style ampoulés (la scène du Caddie, franchement…) et un humour immature à base de jurons gratuits. Le trio d’acteurs fonctionne très bien, et l’on passe un moment agréable en leur compagnie.
Comme quoi, hélas, l’émotion s’applique toujours efficacement à désarmer la raison.
2 étoiles sur 5.

Source: Boulevard Voltaire


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