L'Oiseau frileux

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lundi, août 22, 2011

Apprendre à la dure en Haïti


12 cégépiens reviennent d'une déstabilisante aventure de coopération internationale

Haïti, c'est une terre ravagée par un séisme et une instabilité politique, qui se relève tant bien que mal. C'est aussi la terre de la première aventure de coopération internationale qu'ont embrassée 12 cégépiens des quatre coins du Québec qui sont revenus de Port-au-Prince au terme d'un séjour de quinze jours dans la perle des Antilles. Le Devoir les a rencontrés la veille de leur départ et les retrouve au retour alors qu'ils nous font partager leurs impressions et leurs coups de cœur.

«Déstabilisant», «imprévisible», «anpil» («beaucoup», en créole). C'est ce que certains cégépiens du groupe des 12 répondent quand on leur demande de mettre un mot sur leur expérience haïtienne. Partis construire des maisons à Canaan pendant dix jours, les étudiants ont plutôt abouti dans le secteur d'Acaye, non loin de Port-au-Prince, pour un séjour qui a finalement duré 15 jours en raison de l'annulation du vol de retour. La tempête Emily n'y était pas étrangère. «Concrètement, nous avions à construire des maisons de transition pour les résidants du secteur où nous nous trouvions. 

Ces maisons de 6 mètres sur 3 représentent pour ces familles une nette amélioration par rapport à leur situation actuelle. Elles quittaient leur maison précaire fabriquée en boue et en branches pour aller vivre dans leur nouvelle habitation», explique Catherine Sylvestre, du cégep de Saint-Hyacinthe l'une des participantes. «J'ai réalisé pour la première fois l'ampleur des conséquences du désastre du 12 janvier 2010. C'est une chose d'apprendre ce qui s'est passé ce jour-là, mais voir, c'est comprendre.»

Pour plusieurs, le premier choc a été celui de l'état de délabrement du pays. «Même plus d'un an après le séisme, pratiquement rien n'a été fait. C'est comme si ça venait tout juste d'arriver. Les bâtiments sont effondrés et délabrés, il y a des déchets et des bidonvilles partout! J'aurais cru qu'après un an, le gouvernement aurait instauré des politiques de grands travaux ou d'aide aux sinistrés, mais il n'en est rien. Le peuple haïtien est laissé à lui-même», a constaté Julie Durand, étudiante à Jonquière.

Et le plus difficile a justement été de vivre le malaise provoqué par l'ampleur des inégalités sociales. «Je crois que cela nous a tous choqués de voir à quel point le camp des Nations unies était riche. Dire qu'ils aident des gens dans l'extrême pauvreté!», note Samantha Roy, étudiante à Rivière-du-Loup. «Nous vivons dans un tel luxe», lance pour sa part Rachida Khadar, du Collège Ahuntsic. «Je ne pensais pas réellement qu'il y avait encore des humains, en 2011, en Amérique, qui vivent dans des conditions autant... de base

Leçons de vie

Catherine Sylvestre avoue avoir été dépassée par les événements et avoir aussi ressenti un grand découragement. «Le plus difficile fut sans conteste la vision de Port-au-Prince: les tentes empilées les unes sur les autres à même le centre-ville, la pollution, les bâtiments détruits... On y ressent pleinement l'horreur que les Haïtiens ont vécue, c'est indescriptible. Et alors, une seule pensée en tête: comment vont-ils s'en sortir? L'ampleur des changements à apporter à ce pays est tellement grande qu'on est portés à croire, malgré nous, que c'est insurmontable», a-t-elle confié. 

Cette expérience a permis à Samantha Roy de déboulonner certains mythes, notamment ceux entourant la violence en Haïti. «On me disait que les Haïtiens étaient dangereux, mais ils sont tellement chaleureux et accueillants. Si nous étions dans la même situation qu'eux ici au Québec, nous aussi, on aurait peut-être recours au crime pour s'en sortir

Le séjour haïtien a même permis aux participants de tirer des leçons de vie, comme le fait qu'«il ne sert à rien de s'en faire pour les petites choses», croit Julie Durand. «En Haïti, le temps n'est rien. Tout le monde prend son temps. Ils m'ont appris à être plus posée et à observer avant d'agir. [...] Je pense que, désormais, je saurai plus apprécier ce que j'ai autour de moi.» 

Catherine Sylvestre en revient presque avec une vocation pour l'avenir. «À la suite de ce stage, je suis d'autant plus motivée à poursuivre mes études en droit et relations internationales à l'UQAM pour pouvoir contribuer à créer un monde plus juste. Les personnes à Port-au-Prince, vivant dans des tentes, ne vivent pas réellement: elles sont en attente de vivre. Ce n'est pas cela être libre», conclut-elle avec beaucoup de sagesse.

Source Le Devoir

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